L’agroforesterie syntropique - l'essentiel

Un modèle de culture inspiré de la nature

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Par Samuel Dépraz (https://www.jardin-foret.ch) et Alexis Vautier (https://idee21.ch/)

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Préambule

Cet article a pour but de survoler le sujet de l’agroforesterie syntropique. C’est un sujet difficile à résumer en quelques lignes et nous espérons que cet article vous donnera envie d’en savoir plus, et d’approfondir le sujet.

De la Suisse au Brésil

Ernst Götsch ne pensait sans doute pas que vous liriez cet article aujourd’hui et que ses travaux auraient inspiré autant de personnes à travers le monde quand il a quitté la Suisse et ses travaux de recherche agronomique pour finir par s’installer au début 1980 au Brésil. Son projet au Brésil l’a mené à revégétaliser et régénérer un domaine d’environ 500 hectares dégradés par des années de pâturage. Aujourd’hui, il produit un des meilleurs cacaos du monde et les rivières jadis taries se sont remises à couler.

Son secret: en s’inspirant des savoirs autochtones, il a imité les mécanismes du vivant qui sont à la base des écosystèmes terrestres abondants, à l’origine d’un nouveau mode de culture appelé l’agroforesterie dynamique ou agroforesterie syntropique. Ces principes sont valables aussi bien en climat tropical qu’en climat tempéré, nous allons voir les plus importants ci-dessous.

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La succession végétale

C’est le moteur de la création des écosystèmes : c’est grâce à ce mécanisme écologique que les friches se végétalisent, qu’elles se densifient et que la forêt apparaît spontanément sur toute surface fertile après quelques dizaines d’années, sans intervention extérieure. Ce phénomène est accéléré par la présence des animaux, des rongeurs et des oiseaux qui favorisent la dispersion des graines, mais aussi par la capacité des plantes à se multiplier par reproduction végétative.

Diversité

La diversité est un principe important: chaque plante, que ce soit une annuelle ou une plante pérenne a des besoins différents au niveau du sol, lumière, conditions de température et d’humidité, chaque plante a des partenaires et des prédateurs, des cycles de vie différentes annuels ou pérennes (période feuilles, fleurs, fruit, etc.). Cette diversité et cette complexité crée un maillage dense de synergies et des relations multiples, apportant de la robustesse et de la résilience. C’est donc tout le contraire d’une monoculture.

Stratification

La stratification désigne le principe selon lequel les plantes ont des besoins de lumière différents et profite ainsi de la verticalité: la strate dite émergente est en pleine lumière, la strate haute en-dessous, puis la strate moyenne et enfin la strate basse. On observe ce phénomène dans la nature: les plantes pionnières sont des plantes de pleine lumière, de milieu ouvert et lumineux, comme le tournesol par exemple. Au contraire, les plantes de sous-bois ombragé comme le l’ail des ours sont des plantes qui expriment tout leur potentiel dans l’ombre, avec une physiologie adaptée. Cette stratification s’accompagne d’une densité importante, permettant de créer un continuum de surface de feuilles captant de l’énergie solaire, et protégeant le sol du rayonnement du soleil et produisant de la biomasse à partir de l’atmosphère.

Perturbation

La perturbation est le principe qui permet de stimuler l’écosystème: ce phénomène existe dans la nature, au travers des aléas météo ou naturels comme les tempêtes, chutes d’arbres, coupes d’arbres par les castors, retournement de la terre par les sangliers, ravines et éboulements, attaques de champignons, abroutissement par les animaux, etc. Chacune de ces perturbations produit des entrées de lumière, dépose de la matière organique qui nourrit le sol, induit des signaux divers au travers des racines des plantes ou des sécrétions hormonales entre les plantes et d’infimes signaux électriques, relayés par les champignons et la vie du sol. Ces perturbations stimulent les plantes voisines et augmentent leur croissance.

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Photo: Parcelle potagère en syntropie. Les tournesols en strate émergente sont “perturbés” c’est à dire taillés et laissés au sol (crédit https://jardinerbioblog.com/)

 

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Illustration: Système d’agroforesterie syntropique de 10 ans environ (crédit : inconnu).

 

L’agroforesterie syntropique en pratique

Ce modèle a montré ses avantages sur le terrain et il est très prometteur car il est à la fois productif et synonyme d’abondance, et permet une régénération rapide des écosystèmes. En pratique, un système d’agriculture syntropique peut être déployé sur tout type de terrain, en se calant sur la phase de la succession végétale:

  1. On choisit la surface d’intérêt
  2. On définit le design, la largeur des planches de culture, la largeur des chemins et quelles espèces sont implantées
  3. On prépare le sol et on pose les repères de plantation
  4. Les plantes sont mises en place en même temps (entre l’automne et le printemps) de façon très dense, sous forme de boutures, de plantes en pot ou par des semis denses (plantes annuelles ou pérennes).
  5. Après la reprise des plantations au printemps, on procède à des tailles de perturbation successive, en prenant soin de choisir les plantes qui sont taillées, et celles qui sont sélectionnées pour être productives.

Selon le type de terrain de départ et le choix des espèces peut générer rapidement des productions. D’année en année, le système se complexifie et offre des productions qui évoluent avec le temps. Les premières années, se sont des plantes annuelles et quelques petits fruits ou fruitiers qui produisent, et plus le temps passe, plus les productions sont issues de plantes ligneuses, d’arbustes, de lianes et arbres. Des coupes et tailles successives permettent de recréer des ouvertures et des conditions pour des plantes annuelles dans les années suivantes.

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Photo: Parcelle test d’agroforesterie syntropique. Crédit Steven Werner, via Gaia formation.

 

FAQ - Foire aux questions

D’où vient le terme “syntropie”?

En agriculture conventionnelle, comme avec d’autres industries où les sols, l’énergie fossile est consommée, la biodiversité s’effondre et l’atmosphère se dégrade rapidement, l’entropie augmente. Ce terme entropie désigne l’état de dispersion d’un système, de dégradation de l’énergie. Avec la méthode de culture en syntropie, petit à petit, l’écosystème se complexifie et augmente le nombre de structures en place, et le nombre de liens entre elles. C’est ça la syntropie, c’est l’inverse de l’entropie.

L’agroforesterie syntropique ne fonctionne qu’en climat tropical?

Non, les principes de base sont aussi valables en climat tempéré. Bien-sûr, la dynamique est un peu différente du fait des saisons et de la durée variable du jour et de la nuit.

De nombreux projets et systèmes en agroforesterie syntropique sont en place à travers le monde, y compris en climat tempéré.

Les jardins-forêts, c’est de la syntropie?

Les jardins-forêts respectent les principes de la syntropie. Souvent, ils sont conçus et organisés de façon moins linéaires et réguliers car ils sont adaptés à des terrains très “organiques”, et ils ont souvent un aspect ornemental important. L’agriculture syntropique a pour objectif la production et c’est donc un système intense en nombre de plants, mais qui est également plus productif.

Les micro-forêts ou forêts Miyawaki, c’est de la syntropie?

Ces micro-forêts suivent le principe de stratification de la syntropie. Mais les perturbations ne sont pas volontaires et la seule production est celle de biomasse et de biodiversité. Il n’y a pas de dimension alimentaire importante dans les forêts Miyawaki: la diversité des micro-forêts est celle des forêts locales indigènes: on n’y trouvera donc pas de légumes ou de fruitiers.

Pour approfondir le sujet

Articles et références

Ouvrages

 

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